SMPDD : La voix des détenus
TROC est un projet de théâtre en faveur
des détenus de cinq prisons civiles togolaises (Lomé, Aného, Vogan, Tsévié,
Bassar) qui s'est déroulé courant les mois d’avril à octobre 2017, projet
réalisé par l’association SOLIDARITE MONDIALE POUR LES PERSONNES DEMUNIES ET
LES DETENUS | SMPDD.
Ce projet a été essentiellement un processus artistique basé sur des ateliers
du conte, du théâtre et d’écriture, au cours desquels les détenus ont créé le
matériel pour un ‘audio tour’, un tour de la ville inhabituel pendant lequel le
public est guidé par les voix des détenus en écouteurs. A cet effet, à chaque
restitution, le public a fait un tour de la ville et a visité des lieux
symboliques en lien avec les histoires des détenus.
OBJECTIFS ET RESULTATS ATTENDUS
A la SMPDD, toutes les occasions sont bonnes pour permettre aux détenus de faire du plaidoyer ou de faire un échange avec l’extérieur dans le but d’améliorer leurs conditions de détention. TROC est donc un projet avec pour premier objectif de permettre un échange entre les détenus et le public extérieur. Puis il s’agit par ce projet de permettre aux détenus de s’évader par la pensée, d’expérimenter un processus artistique au cours duquel ils peuvent découvrir et connaître des différentes formes d’expression. Partant de ces expériences des différentes formes d’art (le théâtre, le conte, l’écriture), les participants auront la possibilité de réfléchir sur des questions ayant trait à la justice, mais aussi sur leurs visions pour leurs vies après la prison et une projection sur la vie en dehors de la prison.
Par des moyens et procédés artistiques, œuvrer à permettre aux participants de développer des nouvelles perspectives sur leurs vies et leurs attitudes, de transformer le connu et élargir leurs possibilités de regarder et de faire face à leur situation. L’approche de notre travail que nous avons jugé adaptée est l'approche biographique. Cette approche demande l’autoréflexion de la propre personnalité, du propre état d’âme et des propres expériences. L’autoréflexion pouvant ainsi permettre aux détenus d’abandonner le temps des ateliers les murs de la prison pour se ressourcer dans le monde extérieur, puisé dans les images du passé pour bâtir l'avenir. En guise de résultats artistiques, réaliser cinq différents audio tours qui permettront dans chaque ville au public de faire un tour de la ville guidé par les voix et les histoires des détenus. Avec cette méthode, nous avons visé à permettre au public de redécouvrir les villes par le prisme du regard des détenus. De ce fait, les détenus apportent leur perspective et visions au monde extérieur. Ils deviennent le temps de l'audio-tour les guides, l’objectif étant de libérer les détenus d’un rôle passif pour une position plus active. A la fin de chaque audio tour, l’objectif a été d’initier une rencontre entre les autorités judiciaires participants et les détenus pour faciliter un échange entre les deux parties, donnant ainsi une occasion aux détenus de parler de leurs conditions de vie et des procédures judiciaires.
L'IMPACT DU PROJET
Le projet « TROC » a contribué à plusieurs niveaux sur l’amélioration de la situation des détenus. Tout le long du projet, les détenus ont pu créer un espace pour réfléchir sur leur futur, sur leur vie après la prison. Dans un contexte où la plupart des participants aux ateliers n’ont pas encore été jugé, il est psychologiquement essentiel de les amener à entretenir l'espoir à travers le rêve et les visions dont ils sont porteurs. Par ailleurs, pour une réinsertion réussie, il est nécessaire que les détenus aient pensé à leur vie après leur détention. En dehors de ces effets, il a été possible aux détenus dans les villes d’Aného, Vogan, Tsévié et Bassar de rencontrer le public après les Audio Tours. Ces rencontres ont permis aux détenus d'échanger avec les autorités administratives et judiciaires, d'évoquer leurs difficultés et leurs attentes, mais surtout, ont été l’occasion de formuler des réclamations pour l’amélioration des conditions de détention.
Pendant le processus de travail, les
détenus ont été amenés à se prendre en charge pour la réussite de la
présentation. Le travail en groupe a eu le mérite de créer une ambiance de
confiance et de responsabilité. Chacun ayant une responsabilité individuelle et
collective, coopérant les uns avec les autres, chercher à résoudre ensemble les
problèmes posés. Cette prise de conscience sur leurs propres aptitudes et leur
capacité à être au service des autres, à influer sur un produit artistique,
indubitablement aide ces derniers à s'intégrer plus aisément dans la vie
sociale et la vie professionnelle. De plus, les exercices ludiques en début
d'atelier contribuent énormément à sortir ces derniers de leur anxiété
quotidienne. Ils se surprennent parfois entrain de rire. Les ateliers et tout
le processus ont eu un effet positif sur la psychologie et l'état d'esprit des
différents participants.
De même, les échanges avec les détenus ont orienté la dramaturgie de
l'audio-tour. Ainsi, une grande discussion dans tous les groupes des détenus
portant sur la stigmatisation des personnes en détention nous a conduits à
donner beaucoup d’espace dans les Audio Tours à la question du « regard » que
la société et chaque membre du public pose sur les détenus. Un feed-back du public
après chaque présentation / Audio Tour, nous permet de dire à quel point
l'écoute de la voix des détenus à base de l’expérience de l’audio tour est
troublante et fait réfléchir sur le regard stigmatisant qu'il pose sur les
détenus.